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Surpasser.

Journal d'un drogué : premier chapitre

2 Mai 2023 , Rédigé par -Alterman

Nous sommes le 2 mai 2023. 

Je suis engoncé dans un jogging bleu crépuscule trop large pour moi et dans un gilet molletonné à l'intérieur, gris et bordeaux. Un reste de gnocchis bon marché et de brocolis surgelés dansent et se réchauffent dans une poêle déjà utilisée quatre fois. 

Je suis assis, au milieu de la nuit, à 04h36 précisément, devant ce grand écran qui me toise et sous l'ombre de mes plantes. La lumière tamisée de l'escalier génère une ambiance à la fois cosie et lugubre, prompte à la sempiternelle remise en question, à la mélancolie et au spleen nocturne. 

Chaque jour, je réalise que je suis un drogué. Un drogué de luxe, dont la souffrance n'a pas à rougir devant celle des toxico du Trocadero ou des accros aux opîodes du Bronx. 

Comme une envie d'en finir, chaque jour, chaque heure, chaque minute, presque chaque seconde. La sensation d'être un cerveau piloté par un microorganisme qui n'attend que ma mort pour prendre le contrôle total. J'ai faim. Après un jeune de 24 heures, la faiblesse est plus impactante que d'habitude. Tout désir remplacé par les larmes qui ne coulent plus, embuant seulement mon regard, et par l'envie de ne plus exister. De ne plus avoir de responsabilités. Pour moi, et pour les autres. La sensation, presque caricaturale, de détruire tout ce qui entre en contact avec moi

Je suis assis, sur une chaise en simili cuir capitonnée, empli d'une mousse probablement issus d'usines d'Asie. Je suis assis, devant plus de 2000€ de matériel hight-tech dernier cri. Et j'attends la mort. Pourquoi cette absence de bonheur est-elle si présente ? Sans but, nous n'existerions pas. Je suis une absence de but. Je suis un en attendant qui n'a pas de Godot. L'espoir est partit. Il a fuit, a pris la porte et est monté dans une fusée spatiale à destination de l'une des limites de l'univers. 

IL a disparu le jour où IL a gouté à l'interdit. 

Je suis tombé dans la drogue, ou plutôt, j'ai sauté avec joie, à deux pieds, excité et confiant, dans ce puit sans fond. Avec le recul, j'espérait, je crois, trouver d'une certaine manière une réponse. La réponse était là, nue, attirante, telle une flamme qui vacille et captive le regard. Incandescente. Impossible de ne pas choir devant elle. Un plaisir ultime, fulgurant, qui transforme la réalité. La sensation, exquise et brutale, d'être au paradis. Le temps se fige. Les neurones dopaminergiques et sérotoninergiques exultent et déchargent à tout va. Tout s'arrête. La navette qu'a pris l'espoir nous transporte au confins de l'univers, dans une toute autre dimensions. [...]

Puis la fin.

Comment se sortir de ce désir ?

Un mois sans. Puis la rechute. "C'est juste une fois". Puis finalement deux, trois, quatre, cinq. 

Une semaine sans. Et les larmes. Et la fatigue, l'épuisement l'envie d'en finir qui n'a jamais été si forte.

Je suis mort à l'intérieur. Mais vivant. 

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